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Renaissance

Photo du rédacteur: Melanie Frerichs-CigliMelanie Frerichs-Cigli

Dernière mise à jour : 6 août 2019

#LesMatinsLuxe Retrouvez la chronique de Melanie Frerichs-Cigli de ce lundi 28 janvier 2019

Qu’est-ce qui caractérise l’homme de la Renaissance ? Fondamentalement, il découvre les sciences, toutes les sciences et démarre ce que l’on appellera plus tard la modernité.


Evidemment, elle commence avant, au sens où elle est le fondement même de notre civilisation. Vous savez, celle que l’on appelle judéo-chrétienne, mais qui est en réalité la civilisation monothéiste.


Je sais, on situe les débuts de la modernité aux Lumières, à la Renaissance - pour les plus audacieux à l’époque d’Aristote, parce qu’il postule en premier tant de principes logiques qui fondent les débats, aussi bien religieux que philosophiques, d’ailleurs, depuis sa redécouverte par Ibn Rochd. Mais l’idée de trouver l’atome, brique première de l’univers procède directement de l’idée d’unicité de Dieu, quand on y pense. Et tout est à l’avenant. L’idée d’un début, d’un milieu et d’une fin, ce n’est pas tout à fait universel.


Avant la modernité, c’est-à-dire avant le monothéisme, le cycle prévalait. Le début annonçait la fin qui annonçait le début. Même Ragnarok n’était pas l’apocalypse comme l’entendent les religions du Livre. C’était la fin de certains Dieux au profit d’autres. Seulement, dès lors qu’il y a un début- la naissance, un milieu- la vie et une fin- dernière, l’idée de progrès devient inévitable : il faut donner un sens, une direction.


La civilisation toute entière en a pris le rythme. Un seul Dieu donc un seul sens, donc un seul temps, le progrès. Une seule obsession : éviter la fin, elle est fatale. L’après ? Une inconnue, on débat encore du sexe des anges ou du nombre de houris, mais ce qui est sûr, c’est qu’il faut aller de l’avant, il n’y aura pas de recommencement.


Alors on court beaucoup à la Renaissance. On veut tout embrasser et l’homme de la Renaissance par excellence, Leonardo Da Vinci, est artisan, horloger, scientifique, philosophe, peintre, stratège et bâtisseur. Depuis, il est communément admis qu’il n’est plus possible de posséder une maîtrise aussi grande des savoirs de son temps : nous sommes bien trop spécialisés, tellement même que la plupart d’entre nous travaillons à créer quelque chose que nous ne comprenons pas. Je serais par exemple bien incapable de construire une station-relais radio.


À la Renaissance, oui, on a voulu tout voir, tout comprendre, alors on a tout creusé : résultat, des progrès incroyables, fulgurants, fabuleux. On pourrait nourrir et soigner et éduquer la planète entière facilement, si on le voulait. On pourrait même faire des choses que l’on n’imagine pas : ne jamais avoir à travailler à autre chose qu’à aimer et aider son prochain, élever ses enfants et sa pensée, pour atteindre à cette transcendance qui est la marque et l’absolu de notre civilisation.


Au lieu de quoi, on a oublié un pan entier de cet homme de la Renaissance : sa capacité de synthèse, qui n’excluait ni l’art, ni la philosophie, ni même la mystique et la spiritualité. À force de chercher un principe unique mais en de multiples endroits, nous avons pris le cadre pour la méthode et nous sommes égarés dans un cul-de-sac, la science, quand nous étions au carrefour de tous les possibles. Mais puisque nous allions trouver la matière même de Dieu, son principe unique, fondateur, celui qui nous ferait enfin comprendre le grand Schéma Divin partout, alors la science, fille du rationnel, semblait plus malléable et concrète.


Le temps manque, comprenez, de l’avant, de l’avant ! Et d’une synthèse prolifique en idées et beauté, on est passé au sabrage de ce qui dépasse : exit la religion, les religieux eux-mêmes ne se plient pas à leur propre doctrine. Exit ensuite le sensible, je pense donc je suis suffira bien. Il en résulte que l’art, ma foi, n’a plus grand sens et la philosophie, une activité récréative, tout au plus, ne mène pas le monde.

Pourtant, les artistes et les philosophes ont beaucoup travaillé. Et elle est belle, la philosophie de notre civilisation: tout le monde égal en dignité et en droits, pourquoi pas en richesse, même ; chacun ayant sa chance, la rédemption à portée par l’éthique et l’esthétique…


Ce n’est pas la modernité qui a échoué, c’est ce qu’on en a fait en érigeant la seule science au panthéon du certain. On a disséqué, rangé, séparé et puis écroué tout et tout le monde en colonnes de chiffres dépourvus de sens et de raison parce que dépourvus de vie, de chaos.


Notre monde est à l’image de notre agriculture : productif, maîtrisé mais stérile. Et le pire dans tout ça, ou le plus ironique, c’est que la science devient trop compliquée de nos jours quand on ne peut plus la philosopher. Elle pose des questions éthiques et même l’atome n’est qu’un début d’un truc énorme qu’on ne conçoit pas bien. Alors peut-être faut-il comprendre qu’à l’intérieur même de notre civilisation, la loi des cycles s’applique toujours, et qu’ils s’autogérèrent.


Peut-être que de la crise ténébreuse que nous vivons peut procéder une Renaissance. Mais il y faut de la créativité bouillonnante, des artistes stratèges et des géopoliticiens poètes ; des philosophes à la tête des académies de sciences, des empathes au cœur des technocraties, bref, de l’ouverture, de la fulgurance ; des hommes de synthèse, qui allient l’amour, la grâce et la science pour faire sens du monde, encore une fois. De nos jours, on appelle cela «pensée complexe» et ça devient urgent. Car, comme à chaque Renaissance, les Savonaroles se dressent et les guerres se durcissent.

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