Le PodcAst du BouT du mONde – épisode 12 – 27/08/2019
Musique de fin : "La Vérité fait mal" Keny Arkana - Tous Droits Réservés
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Je ne sais pas pour vous, mais pour moi, ce G7 fut un extraordinaire révélateur. D’abord, regardez sa composition ! Si, dans les années 70, l’Italie était une puissance et le G7 représentait à lui seul 70 % du PIB mondial, il n’en est plus grand-chose et ces sept nations-là (Etats-Unis, France, Canada, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie et Japon), informellement réunies depuis longtemps et décidant du sort d’un grand nombre de gens sans mandat de l’ONU, sans secrétariat permanent, sans compte-rendu automatique et archivé, rien walou, ne représentent plus que 40 % du PIB mondial. Rien que cela, même sans changement climatique, signe une bascule des pouvoirs qu’il faut acter avant qu’elle ne s’acte par la violence, et de manière bien plus formelle que ne le sont ces réunions-là, mais passons.
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Ensuite, concernant la fameuse photo du plafond, où on les voit tous affairés, time to take action, yeah ! Y’a pas un truc qui vous chiffonne, en dehors des multiples détournements qui nous ont bien fait rire, j’entends ? Ils sont 8 à table ! Alors non, Poutine n’est pas le 8ème, justement, Macron a bien essayé, mais il a été forcé de capituler et de jouer la carte de l’unité par la fermeté, ce qui fait que c’est Trump qui aura l’honneur de l’imposer l’an prochain. Mais à dire vrai, il n’y a pas de mystère, ce devait être Donald Tusk, le président du Conseil Européen, ce serait logique, même si je n’ai pas bien regardé. Cette intriguante mais très anecdotique question mise à part, de fait, cette année, les invités furent légion. Les surprises, comme le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, qui ressemblait fort à un coup de théâtre, mais aussi beaucoup de pays africains et de représentants d’organisations africaines, version 2 en 1. Nous avions Adbel Fattah Al-Sissi, président d’Egypte et de l’Union africaine (UA), Paul Kagame pour le Rwanda, Macky Sall pour le Sénégal et également président du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Roch Kaboré du Burkina, également président de la force antiterroriste régionale G5 Sahel et enfin, Cyril Ramaphosa de l’Afrique du Sud. De l’Afrique, on ne voit guère trace dans le communiqué final, mais c’est à noter, parce que ce n’est forcément pas un hasard que ce G7 soit celui auquel on a invité le plus de pays africains, non seulement à venir mais à participer à toutes les réunions préparatoires. En même temps, c’est vrai que la France est en train de perdre son dominion, que les Etats-Unis ont intérêt à contrer la Chine partout et que l’Inde est un joueur africain grandissant… Oui, parce que c’est à noter aussi, l'Inde était également invitée, de même que le Chili et l'Espagne. Pourquoi ces trois-là et pas la Chine, le Brésil, que sais-je encore ? Ils étaient au menu des négociations, pourtant, non ? Et ce n’est pas tout, les fameuses réunions tripartites avec des chefs d’entreprise, des représentants d’ONG, de syndicats et d’intellectuels variés dont nous parlait Emmanuel Macron lors de son discours à l’OIT ont bien eu lieu, elles aussi. Mais ce qu’il en est ressorti ne m’apparaît pas encore clairement.
Bref ! Pas légitime, le G7, mais bon… Des alliances importantes continuent de s’y jouer et les coulisses sont sans aucun doute un bon endroit où se transformer en toute petite bête pour écouter ce qu’il se trame. Officiellement, qu’en ressort-il ? «De grandes avancées» nous disent Macron et Trump, la bouche en coeur. «Pas de méthode commune encore», admet Macron, qui se félicite tout de même d’avoir remis la France dans ce qu’il estime être son rôle de médiatrice. En fin de compte, du pipeau, nous dit à plutôt juste titre le contre-sommet. Et nous ne pouvons que deviner au fur et à mesure des entrefilets sur telle ou telle réunion ou déplacement d’affaire subséquents ce qui en sortira concrètement. On peut déjà discerner dans le choix de certains mots dit par certaines personnes comment l’harmonisation des systèmes fiscaux vont se faire, et sous quel format. Bien sûr, on peut spéculer à loisir sur les rencontres en parallèle, avant, après, et ce qu’elles disent des alliances en cours. On peut bien sûr s’amuser des concours de quéquettes des différents chefs d’états qui se tirent dans les pattes sans plus tellement de finesse.
Mais sans même aller jusque-là, ce G7, c’est vraiment un instantané saisissant de notre époque. Shinzo Abe, qui vient d’être réélu, n’est pas franchement un hyper démocrate, Donald Trump, déjà en campagne et à peu près certain d’être réélu n’est pas non plus un modèle d’ouverture, Boris Johnson, Guiseppe Conte, bah, franchement, ils ne soulèvent pas l’enthousiasme et eux aussi viennent d’arriver… De l’autre côté, Trudeau est sur la sellette à quelques mois des élections, Angela Merkel est à 2 ans de la retraite, Macron est contesté violemment et pour lui aussi, le temps est probablement court avant bascule à droite. Le G7, censé être un groupement économique des 7 puissances libérales et démocrates du monde a tout de même vachement changé de couleurs, je trouve ! A l’image de tous, des Bolsonaros aux Poutine, Xi-Jinping, Erdogan, Modi et autres Duterte. Bref, ce n’est pas là que se fera l’Alliance Libérale qui se profile. Et il n’est pas encore bien certain de qui en fera partie de toute façon, tant les batailles se jouent au sein de chaque état, presque au sein de chaque famille, désormais. Si tant est, bien sûr, que quiconque se pare de ces couleurs-là pour défendre in fine ce qui sera son territoire d’expansion et de survie.
Il est fascinant de regarder comment les anciennes puissances tentent de garder leur prise sur le monde en choisissant, en élisant tel ou tel nouveau centre pour mieux en contrer d’autres ; comment tout ce beau monde négocie avec le réel comme avec la poudre de perlimpimpin qu’il faut à tout prix jeter aux yeux de la société de spectacle. Comment certains s’y investissent quand d’autres délèguent ou font figuration au service de manips déjà prévues d’avance, comme l’Italie ou le Canada. En apparence, toutefois, car le Canada est l’un des grands gagnants de la redistribution des richesses promise par le réchauffement climatique. Et lui comme le Danemark, pays presque transparent dans la diplomatie internationale et pourtant ô combien actif, méritent bien qu’on s’y intéresse de près, mais c’est une parenthèse pour un autre jour. Comment enfin, nous sommes habitués à naviguer à vue pour essayer d’extrapoler les décisions politiques prises lors d’une rencontre économique officiellement officieuse de 7, non 8 personnes, non, finalement beaucoup plus et malgré tout ne représentant pas plus de la moitié du PIB mondial, mais peut-être que si, ça devient confus, l’Inde, elle compte ou pas ? Durant laquelle on sait qu’il faut suivre les rencontres en marge qui ne sont presque pas murmurées tandis qu’on nous pourris de bons mots et de détournements sur du vent.
Ouf ! Franchement, un exercice d’équilibristes, qui nous rend tous blazés, agacés, fatigués d’avance et en même temps, nous conforte dans le cynisme qui accompagne la fausse connaissance du monde pourri de la politique dont nous sommes intimement baignés. Il va être temps de clarifier tout ça, de prendre un peu de recul tandis que la situation décante, pour regarder les vrais joueurs, un par un et puis les indicateurs de bascule, parce qu’elle est imminente et aucune Grand-Messe du rassemblement du vieux monde ne nous en donnera les clés. Ouf ! Un autre jour sur cette terre, tandis que j’écoute la rumeur de la pluie et le calme de la nature, avec une impression d’absence quelque peu irréelle. Pura vida !
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