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Etats Démunis d’Amérique

Photo du rédacteur: Melanie Frerichs-CigliMelanie Frerichs-Cigli

Dernière mise à jour : 21 août 2021

Musique de fin : « I need a dollar remix» Dubfoundead - Tous Droits Réservés

Licence d’exploitation LE-0017854


Bon, allez, on est lundi ! Je sais, c’est encore août, cette saison, ça a été n’importe quoi, on n’en a pas tant profité, entre trop de chaleur et temps gris boueux… Et puis bientôt, le monde réel va recommencer à tourner ; ça va être la rentrée, les enfants à l’école, le trou dans le budget, toussa… Ceci dit, le monde n’a pas cessé de tourner. Et va falloir qu’on commence à parler sérieusement, et en particulier de notre grand ami à tous, les Etats-Unis.


Oui, parce que je ne sais pas si vous avez remarqué, mais les grands titres de la presse nous abreuvent de plus en plus d’articles sur le « candidat » Donald Trump et non plus le président. Les élections sont là, au coin de la rue, le 20 novembre 2020 et quand l’Amérique est en campagne, le monde s’enrhume toujours un peu. Fin juillet, juste avant le départ du Congrès en vacances, Donald Trump avait réussi à négocier un relèvement du plafond de la dette jusqu’en juillet 2021i, bien après les élections, donc, et c’était une victoire propre à entretenir encore un peu la Grande Illusion Américaine. Oui, la Grande Illusion, parce que les Etats-Unis d’Amérique sont en réalité bien démunis. Et l’inversion de la courbe des taux d’intérêt sur la dette américaine à 2 et 10 ans qui vient de se produireii n’est que le prologue à la prochaine grosse récession que nous allons connaîtreiii.


Alors, pour ceux qui n’y connaissent rien en bourse et s’en foutent : je vous comprends, il m’a fallu des années pour vaguement saisir de quoi on parle et c’est chiant. Mais l’inversion de la courbe des taux d’intérêt, ça signifie que désormais, le rendement des obligations à long terme devient moins bon que celui des obligations à court terme. C’est-à-dire que le marché de la dette américaine a tellement peu foi en l’économie américaine que l’on ne croit pas qu’elle sera rentable à long terme et on n’encourage l’investissement qu’à courte échéance.


Bref, cela signifie qu’on n’a plus confiance et ça, ça a tendance à s’auto-entretenir… L’analyse historique nous dit que, depuis Bretton Woods, quand une inversion de la courbe des taux d’intérêt sur la dette américaine se produit, une récession mondiale s’ensuit, en moyenne 22 mois après. Cela s’était d’ailleurs produit juste avant 2008. Nous serions donc en fin de cycle économique et donc, bah, on va souffrir notre race. En clair, c’est ça que ça veut dire.


Mais ce n’est pas arbitraire non plus, cette affaire. Je veux dire, en dehors de la spéculation sur le sentiment irrationel du marché par rapport à une dette qui est absolument délirante dans tous les sens du terme – ou de son utilisation en communication politique en période de campagne, il y a des raisons objectives pour lesquelles c’est maintenant et pas à un autre moment qu’une vraie crise pourrait ébranler les Etats-Unis, donc les marchés mondiaux, donc absolument tout le monde.

D’abord, regardons un peu cette detteiv. Elle dépasse 100 % du PIB, rien qu’en dette publique et ne fait que se creuser de jour en jour. 22 000 milliards de dollars ! On dirait un juron du capitaine Haddock tellement c’est iréel ! Tellement, d’ailleurs, que personne ne s’attend à ce que tout ça soit jamais remboursé. Par contre, du coup, les taux d’intérêt appliqués à la dette augmentent… Ben oui, si on est sûr de ne pas revoir son bien, on augmente le loyer, quoi !


Deuxième conséquence, ceux qui détiennent la dette peuvent s’en servir comme levier pour influer sur la politique américaine… Le cas d’école et dont on voit les effets tous les jours, c’est la Chine, qui profite de sa position pour gagner des points dans sa guerre économique avec les Etats-Unis et qui a même menacé de se dégager entièrement de la dette américaine si Trump tentait réellement d’empêcher des accords avec l’Iran. Et qui dit accords avec l’Iran – sur le nucléaire, sur le pétrole, etc., dit gros problème pour les Etats-Unis. Mais à dire vrai, la Chine est déjà en train de se dégager du dollar, et c’est désormais le Japon qui possède la première réserve en devise américainev, ce qui signifie que la Chine n’a pas peur, contrairement à ce que tout le monde pensaitvi, de l’effet de cette guerre sur sa propre économie, en partie tributaire de ces réserves. Au jeu du je te tiens, tu me tiens par la barbichette, les chinois sont impassibles, comme dans les meilleurs westerns racistes. D’ailleurs, le dollar a beaucoup baissé ces derniers temps, malgré les efforts de la Fed pour réguler les taux.


Mais sans même parler de cela, voilà qu’on tombe sur la deuxième raison pour laquelle on a cette inversion : la Fed est plombée par ses efforts pour redresser l’économie. Entre quantitative easing et rachat de dette publique, on est maintenant en train d’adapter le wording pour dire qu’on ne fait plus dans tout ça mais que la Fed va quand même racheter aux alentours de 15 milliards de titres du Trésor par mois à partir d’octobre prochainvii – juste pour se restructurer, n’est-ce pas ? En gros, on produit de l’argent magique, en déplaçant les comptes.


Une astuce déjà très utilisée, et depuis des années et qui intéresse cette fois-ci la dette que l’état américain se doit à lui-mêmeviii. Oui, parce que figurez-vous que certains secteurs rapportent de l’argent, par exemple, les cotisations sociales. Cet argent doit servir ensuite à payer les retraites, les droits des gens, ce genre de choses. Vous vous souvenez, en 2008, quand les fonds d’investissement s’étaient cassé la gueule en dépouillant les gens de leur retraite privée ? Ben ça risque fort d’arriver même pour les retraites publiques, car elles aussi «prêtent» leurs revenus à d’autres postes de dépenses publiques, avec taux d’intérêt et tout, en échange de la certitude que cet argent sera débloqué à terme, quand il sera nécessaire. Sauf que du coup, c’est tellement certain, c’tte affaire-là qu’on n’en parle même pas. L’argent passe d’une colonne à l’autre, ni vu ni connu, je t’embrouille, officiellement, il est toujours là qu’il est dépensé depuis longtemps ! Mais la courbe démographique américaine s’inverse de plus en plus vite, les dépenses de santé, de retraite augmentent d’année en année, tandis que les besoins de l’armée continuent d’engouffrer l’argent des cotisations prêté automatiquement, en flux continu. On en est à 6 000 milliards de dollars and counting. Bref, à court terme, les droits sociaux seront probablement remis en cause, restructurés encore plus, mais sur quelle base et pour quelle alternative ? Parce que les fonds de pension américains ont continué à jouer à la Bourse ou la vie avec l’argent des vieux et la Bourse, elle commence à dévisserix, entre récession industrielle inévitablex malgré l’emballement actuel de la surproduction à tous les étages et incertitudes géopolitiques.

Pire, au niveau des états eux-même, les finances sont au plus bas et le taux d’endettement de plus en plus élevé. Pareil au niveau des communes, et l’on voit se reprofiler des villes et des états faillis dans un avenir proche, comme en 2008. Pire que cela encore, les budgets d’entretien des infrastructures vitales du pays, centrales électriques, barrages, grands axes routiers, etc. ne sont pas respectés depuis longtempsxi et la responsabilité en est diluée entre 20 niveaux différents de structures politiques qui, chacune, n’annonce qu’une réduction marginale de son investissement – voire une simple rationalisation en vue d’une meilleure efficacité. Mais ce genre d’économies de bouts de chandelles finit toujours par coûter cher. Et il démontre aussi que la dette se creuse du simple fait des dépenses courantes – comme les droits sociaux pour lesquels on n’a plus de réserve, par exemple, plutôt qu’en infrastructures. Donc, aux Etats-Unis - comme dans l’immense majorité du monde en ce moment, on s’endette pour du vent – et des armes, soyons honnêtes.


Au niveau des entreprisesxii, on n’a rien appris de la dernière crise. Par contre, on a profité du système mis en place pour redresser l’économie ; et le quantitative easing les a poussé à doubler leur endettement sur les 10 dernières années, plus de 9 000 milliards de dollars à elles seules. Dans un contexte global d’essouflement industriel et de restructuration de la consommation, c’est une lourde charge à porter et qui les rend fragiles.


Et côté des ménagesxiii, ben, regardez autour de vous : les taux d’intérêts n’ont jamais été aussi bas et les gens en profitent, bien sûr ! Sans compter les emprunts étudiants, dont la structure n’est pas plus solide que celle des sub-primes, on le sait depuis toujours, mais tant que ça marche, n’est-ce pas ? 50 000 milliards de dollars.

Si l’on aditionne dette publique et dette privée, dette des entreprises et dette de l’état fédéral envers lui-même et des états envers l’état fédéral – certes, ce n’est pas orthodoxe, mais soyez indulgents, nous arrivons largement au-delà des 90 000 milliards de dollarsxiv. On en a plein la bouche et je crois que même le capitaine Haddock en serait dégoûté.


Bref, la puissance économique américaine, c’est du vent ! Le problème, c’est que sa puissance réelle, non. Et de fait, il peut contraindre le monde encore un certain temps à croire en cette fable. Et, plus on y croit, plus l’effondrement sera dur, car y croire signifie justement toute l’aberration actuellexv : surproduire, de moins en moins cher payé pour camoufler la baisse du taux de rentabilité, polluer, jouer avec la vie des gens et puis, in fine, toujours faire la guerre pour refonder quelque chose de propre, parce que ce n’est plus tenable, une économie qui entre en crise tous les 10 ans sans jamais se redresser. C’est le plan du candidat Donald Trump, qui se sent sécurisé parce que si tout suit le déroulement logique, la crise aura lieu juste après les élections, qu’il va gagner tambour guerrier battant et alors, si un gros conflit éclate, cela n’aura plus d’importance. Dans l’intervalle et plus ou moins discrétos, il ferme ses frontières – physiques et aériennes, avec l’Amérique Latine, qui perd des vols directs tous les jours, avec le Moyen-Orient, avec une part de l’Afrique, de l’Asie, etc.


En même temps, cesser de croire en la puissance américaine avant l’heure - et tout d’un coup, provoquera inévitablement l’effondrement. Et c’est pour cela que partout, nos gouvernants continuent des politiques délirantes – en attendant, en se positionnant, en espérant, pendant qu’en parallèle, on entretient une paranoïa grandissante chez le public. Parce que oui, c’est jouer au poker menteur avec le Délire comme partenaire ! Et le Délire n’est pas que négatif, il permet de contenir la psychose, il « localise le trauma en dehors du sujet, lui donne un nom, l’identifie, ce qui donne à la personne délirante la possibilité de s'attribuer un énoncé identificatoire, lequel, de manière auto-créée, supplée à l'énigme de son histoire insensée »xvi, nous disent les psy… Qui en même temps, tout le monde le sait, n’y connaissent rien à l’économie ou à la politique ! N’est-ce pas ?


iEtats-Unis : accord pour relever le plafond de la dette, BFMTV avec AFP, 23/07/2019 https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/etats-unis-accord-pour-relever-le-plafond-de-la-dette-1735865.html

iiTAUX D’INTÉRÊT : LA COURBE S’INVERSE SUR L’ÉCHÉANCE 2 ANS, UNE PREMIÈRE DEPUIS 2007, NICOLAS GALLANT, Capital, 14/08/2019 https://www.capital.fr/entreprises-marches/taux-dinteret-la-courbe-sinverse-sur-lecheance-2-ans-une-premiere-depuis-2007-1347441

iiiTAUX D'INTÉRÊT : POURQUOI L'INVERSION DE LA COURBE FAIT TREMBLER LES INVESTISSEURS EN ACTIONS, NICOLAS GALLANT, Capital, 29/03/2019 https://www.capital.fr/entreprises-marches/taux-dinteret-pourquoi-linversion-de-la-courbe-fait-trembler-les-investisseurs-en-actions-1333526

ivLE PIÈGE DE LA DETTE SE REFERME SUR LES ETATS-UNIS, YANNICK COLLEU, Nice Matin, 14/12/2017 http://www.economiematin.fr/news-le-piege-de-la-dette-se-referme-sur-les-etats-unis

vLe Japon devient le plus important détenteur étranger de titres du Trésor américain, French.xinhuanet.com, 16/08/19 http://french.xinhuanet.com/2019-08/16/c_138313720.htm

viPour la Chine, l’arme de la dette américaine reste difficile à activer, Marie de Vergès, Le Monde, 29/05/19 https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/05/29/pour-la-chine-l-arme-de-la-dette-americaine-reste-difficile-a-activer_5469079_3234.html

viiFed : vers un «quantitative easing» infini ?, Bastien Drut, Les Echos, 25/03/19 https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/fed-vers-un-quantitative-easing-infini-1003315

viiiFOLLE ENVOLÉE DE LA DETTE PUBLIQUE DES ETATS-UNIS, MERCI DONALD TRUMP ! Capital, 17/02/2019 https://www.capital.fr/economie-politique/la-dette-americaine-court-de-record-en-record-sous-trump-1327968

ixCHUTE BRUTALE DES BOURSES, LA PANIQUE GAGNE LES MARCHÉS, SARAH UGOLINI, 15/08/2019 https://www.capital.fr/economie-politique/chute-brutale-des-bourses-la-panique-gagne-les-marches-1347495

xiInfrastructures, LastWeekTonight with John Oliver, 02/03/15 https://www.youtube.com/watch?v=Wpzvaqypav8

xiiDETTE DES ENTREPRISES AMÉRICAINES : LA BOMBE À RETARDEMENT QUI VA BIENTÔT ÉCLATER ?, NICOLAS GALLANT, Capital, 01/04/2019 https://www.capital.fr/entreprises-marches/dette-des-entreprises-americaines-la-bombe-a-retardement-qui-va-bientot-eclater-1333722

xiiiUSA: La dette publique de 22.000 milliards $ n’est que la partie émergée d’une GIGANTESQUE dette de plus de 72.000 milliards $, Business Bourse, 11/05/19 https://www.businessbourse.com/2019/05/11/usa-la-dette-publiquede-22-000-milliards-nest-que-la-partie-emergee-dune-gigantesque-dette-de-plus-de-72-000-milliards/

xivUSA: La dette publique de 22.000 milliards $ n’est que la partie émergée d’une GIGANTESQUE dette de plus de 72.000 milliards $, Business Bourse, 11/05/19 https://www.businessbourse.com/2019/05/11/usa-la-dette-publiquede-22-000-milliards-nest-que-la-partie-emergee-dune-gigantesque-dette-de-plus-de-72-000-milliards/

xvFaut-il s'inquiéter de la dette publique lorsque les taux d’intérêt sont faibles ? D’un Champ l’autre, Blog Illusio, 06/03/19 http://www.blog-illusio.com/2019/03/la-question-de-la-dette-publique-lorsque-les-taux-d-interet-sont-bas.html

xviFLEMAL (Simon), ANNALES MEDICO-PSYCHOLOGIQUES, Vol 171, N° 9, 2013/11, pages 595-602, 30 réf., FRA ISSN 0003-4487 https://bdsp-ehesp.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=477482

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