#LesMatinsLuxe Retrouvez la chronique de Melanie Frerichs-Cigli de ce lundi 14 janvier 2019
Ce week-end, j’ai revu Human de Yann Arthus Bertrand. Trois films illustrant la diversité du monde – et la communauté des préoccupations des hommes, malgré leur différence apparente. Et je vais vous dire, ça m’a fait du bien, un peu comme une détox.
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C’est qu’il est de plus en plus facile d’oublier le commun en ces temps funestes : ce sont des barbelés en discours qu’on nous assène en Vérité inébranlable.
L’humanisme est mort, nous dit le Dieu vengeur de l’humilié qui voit poindre en la défaite adverse les prémisses du Grand Soir. L’Autre existe, et il est vraiment méchant et j’ai bien raison de vouloir exister plus que lui, de limiter mon empathie. Ses intérêts vont à l’encontre des miens et, puisque le monde est injuste, c’est à mon tour de faire tourner la roue, enfin.
Oui, ce qui est amusant, frappant, essentiel et que Human m’a rappelé, c’est que ces préoccupations, ce sentiment de vacuité du sens face aux inégalités et cette volonté d’exister, elle est la même, à Casablanca ou à Göttingen.
Et cela, c’est un signe, qui dit que loin d’avoir échoué, l’idée d’universalité qui sous-tend les droits de l’homme est bel et bien une réalité. Certes, l’idéal d’humanisme est trahi – comme l’idéal marxiste l’a été et l’est encore, malgré sa fascinante évidence sur le plan philosophique ; et l’occident comme impulseur civilisationnel est dépassé. La décadence est devenue tellement évidente que même la NASA l’évalue en décennies… Et puis, faut pas être grand clerc pour se dire qu’il y a quelque chose de pourri quand la bourgeoisie des pays les plus riches crie famine tandis que leurs chefs d’états se balancent des tweets et des lives Facebook d’insultes : plus bas, c’est le caniveau.
Alors la question vitale devient : que faire en période de décadence ? La solution instinctive, celle qu’a démontrée l’histoire, c’est celle que je déplore : le repli. L’analyse à outrance de sa propre histoire jusqu’à légitimer LA différence, l’onthologique, celle qui permet de discerner l’étranger du même et de se battre pour une cause claire qui efface l’angoisse. Tout ce qui en découle n’est pas mauvais, loin s’en faut. Le retour à la tradition donne des racines et le catalogage culturel préserve, le tout forme un commun identitaire relativement homogène par territoire ou espace mental… Mais il condamne l’audace, ne donne pas d’ailes parce l’argument fédérateur devient d’autorité. C’est une phase nécessaire mais elle mène immanquablement au chaos parce que nous sommes tous métissés et que la stase de chacun s’oppose à celle de tous les autres. Et puis le monde est trop interconnecté pour que quiconque puisse sans bruit en quitter la scène.
Bref, je connais tous les arguments, tous les détours qui justifient les Saintes Haines des époques troublées, je les vois progresser dans les yeux de mes amis, dans la violence dans la rue et sur les réseaux sociaux. Mais en dépit du sens commun, je crois toujours parce qu’il faudra bien dépasser tout ça, non ?
De toutes les images du monde que j’ai vues, dans tous les pays où j’ai vécu, les enfants sont les mêmes. Ils jouent pareil, ils aiment pareil, veulent la justice et l’harmonie pareil et sont capables d’être des monstres pareil. Et ce n’est que superficiellement, par la déformation de perspective d’être né ici ou là, riche ou pauvre, homme ou femme qu’ils se déguisent en étrangers. Je ne sais pas quelle civilisation naîtra des cendres de la nôtre. Mais je sais qu’on peut vouloir la mort de quelque chose – ou la naissance d’un idéal. Dès les prémisses, c’est antinomique et j’ai choisi mon camp.
En l’Homme, je crois, mon frère, mon miroir.
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