Le PodcAst du BouT du mONde - épisode 1 - 12/08/2019
Musique de fin : Jacob Banks "Slow Up" - Tous Droits réservés License d'exploitation LE-0017854
Aujourd’hui, mon fils a 10 ans et, pour la première fois, je vous parle, de ma bouche à votre oreille, en toute intimité, sans studio, sans rien, en fait, que votre envie sincère (ou pas) de m’écouter, qui déterminera si cette chronique atteint son but ou fait écho au désert.
Évidemment, ce n’est pas un hasard, mais un choix, les deux instants en parallèle : mon fils, chair de ma chair a 10 ans, âge à deux chiffres, et, alors que son caractère se dessine, je vois dans ses yeux les débuts de l’examen des valeurs parentales, celles que je vis et tente de lui transmettre et qu’il remettra en cause avant de choisir sa propre voie, forcément. Dans le même temps, je lance le projet d’une vie et même d’une vocation : dire, analyser avec vous et pour vous, #PublicChériMonAmour non seulement l’actualité, la géopolitique, la culture, l’économie… Que sais-je, encore, au gré des jours et des nécessités, comme je l’ai un jour fait au Maroc, mais aussi chercher les moyens de promouvoir la Paix, la Dignité Humaine et une meilleure entente entre les Hommes, en toute indépendance.
Je ne vais pas vous mentir : il y a une idée, derrière Culture Augmentée, derrière ce PodcAst du BouT du mONde, derrière tout ce que j’écris et l’ensemble de ce que je fais, finalement. Oui, un seul projet et qui rejoint intimement le fait d’être parent : m’épanouir dans mon métier, bien sûr et pour ce faire, non seulement trouver un public et lui plaire mais être humaine, au vrai, au sens profond du terme et ça, ce n’est pas simple.
J’ai beaucoup lu, beaucoup cherché, beaucoup angoissé aussi parce que je crois qu’il est fondamental pour l’être humain et en tout cas pour moi, j’en suis sûre, d’être en conformité avec… Non, pas ses valeurs, pas ses principes, rien d’aussi clair, hélas, rien d’aussi simple. Non, d’être en accord avec ce rythme intime qui vous dit que les choses sont harmonieuses ou ne le sont pas. Mais comment peut-on être humain, aujourd’hui ?
Un rien nous sépare et nous déchire, nous brandissons nos identités singulières comme autant d’armes pointées sur les autres, et nos lois infâmes nous interdisent d’être éthiques. Comment peut-on être humain quand on tente d’emprisonner une capitaine de navire qui sauve des gens de la noyade ? Comment peut-on être humain quand on ne parle même plus des manifestations en France qu’en termes statistiques : 3 blessés, pour l’épisode 39 ; quand on ne parle pas des manifestations en Israël, alors que la société se déchire sur ses propres ségrégations ; quand on ne s’étonne plus d’un enième tuerie dans une école des Etats-Unis où la mode du sac à dos par balles décolle en flèche ? D’une enième tuerie dans une mosquée, dans une synagogue, du enième attentat ? Comment peut-on être humain quand trouver des cadavres sur une plage «gâche» les vacances des touristes ? Quand une question de short suffit à faire perdre la tête à tout le monde, même sans décapitation ?
Et je ne vous parle pas des guerres, parce que nous n’avons encore rien vu. La vraie, la grande a commencé et il n’y a qu’à voir le prix de l’or qui grimpe, celui du dollar qui baisse, les échanges violents entre chefs d’états et ce qu’il se passe à Hong-Kong... Comment peut-on être humain si, lentement d’abord et puis (on le sent tous), de plus en plus vite, nous passons à Bled Siba* worldwide 2.0 ? Qui fait nos lois ? Pourquoi sont-elles si fratricides ? Et qui rend légitime le Droit International, au nom de quel principe ?
Comment peut-on être humain si l’on sait que manger détruit la terre, fait souffrir des bêtes – vous êtes nombreux, vous, à aimer torturer des vaches ou des poulets ? Moi, non, mais j’aime bien les steaks. Je fais comment ? Et puis je fais comment pour être humaine face à la destruction de l’écologie ? Puisqu’on me dit que c’est le résultat de l’activité humaine, alors ça doit être ma faute. Seulement, je n’ai rien voulu, moi. Et m’échapper du système qui produit ce malheur me paraît plus complexe que de manger du tofu. En fait, même manger du tofu (outre que je n’aime pas), quand on y réfléchis, on le sent bien, non, que c’est juste une arnaque marketing, une autre manière de nous faire consommer ?
Mais comment peut-on être humain quand on ne nous demande plus que de consommer, consommer, consommer, même plus produire ! On n’en a pas besoin, d’ailleurs on surproduit mille fois plus qu’on ne surconsomme et ça s’accélère parce que valeur et richesse sont totalement décorellés.
Nous vivons des temps d’angoisse eschatologique, traqués, et sur la défensive. Dans une dissonnance cognitive totale, nous errons, entre la survalorisation de la rationalité et la prédominance de l’émotionel, sans jamais passer par la case réflexive. Alors nous likons telle ou telle chose, étalons nos traumas, brandissons notre expérience sensible pour justifier de ne pas être des robots, tout en rentrant le ventre désespérément... Quand nous passons à côté de ce qui nous ferait Hommes : notre capacité à penser, à créer, à concevoir sans réelle limite, ce pouvoir formidable qui justement, nous a permis de nous transcender jusqu’à voler, plonger et même aller dans l’espace, nous voir à distance, observer l’invisible, disposer de presque tout le savoir au bout des doigts et en faire… SnapChat ? Vraiment ?
Il y a dans l’air comme une chappe de fatalité : ça n’ira pas mieux demain et en plus, on le sait, on nous le martèle tous les jours, c’est de notre faute. Tout est de notre faute : être gros, être laid, être vieux ou fragile, avoir des politiciens pourris ou les ours blancs qui meurrent, c’est tout pareil : culpabilité généralisée pour des choses qu’on ne maîtrise pas. Tu m’étonnes que ça nous rende violents ! Et indifférents et sur la défensive et tout prêts à faire haro sur un hmar** qui ne soit pas nous.
N’empêche, il est toujours là, ce rythme intime, qui nous dit ce qui est harmonieux ou pas. Et c’est lui qui nous arrête, parfois, au détour d’un miroir et nous fait tout d’un coup nous sentir fragiles, et parfois tellement loin de nous ou de ce qu’on aurait voulu être. Comment être un Homme, mon fils ? Je ne sais pas, je ne sais vraiment pas, alors que ta vie n’a rien à voir avec la mienne, ton enfance, ton rythme à toi dans ce monde bousculé entouré d’écrans et de stimulations constantes, rien n’est réellement semblable… Et qu’adviendra-t-il, demain ? Pourrais-je t’en protéger ? Oh ! Quel mouton sacrifier pour que mon fils soit épargné ? Oui, la tentation est grande, vraiment… Si ce n’est que je l’entend, ton rythme intime, quand tu m’interroges, les yeux dans les yeux, sur le Bien et le Mal et le sens de la vie. Je crois que c’est à ce moment-là, qu’on est humain, mon fils. Et il est plus que temps de le redevenir, ensemble.
Si nous savons faire face au désastre sans perdre empathie et raison, si nous savons prévoir sans affolement, si nous savons nous adapter sans devenir flottants, si nous nous remettons en cause, si nous réfléchissons, si nous acceptons, enfin, de cesser d’être distraits pour nous poser les bonnes questions, alors les Lois, l’Economie, la Chance et la Science seront peut-être enfin en notre faveur. Et, ce qui vaut mieux que la Chance et la Science, nous serons des Hommes, mon fils.
* Bled Siba : expression marocaine qui signifie l'anarchie. Plus d'explications sur Wiki
** Hmar : jeu de mot en darija (dialecte marocain) qui signifie âne dans ses deux acceptions d'animal et d'imbécile.
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