Le PodcAst du BouT du mONde – épisode 23 – 10/09/2019
Musique de fin : «GoldenEye» - Tina Turner – Tous droits réservés
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Image par 3D_Maennchen de Pixabay
Deux nouveaux témoins dans l’affaire Assange, nous dit-on. Mais laquelle ? Eh oui, on s’acharne sur un homme que l’on certifie désormais incapable d’une conversation cohérente après avoir subi moults tortures psychologiques, qui a écoppé en mai de 50 semaines de prison pour violation de sa liberté en attente de jugement (ben oui, quand il avait trouvé refuge en Equateur) n’était en réalité plus sous le coup de la loi suédoise quand la police britannique l’a arrêté. Les poursuites pour viol catégorie «sexe par surprise» (ça ne s’invente pas) avaient officiellement été abandonnées en 2017. Et ce n’est qu’une fois arrêté que l’avocat de la plaignante a déclaré vouloir demander une réouverture du dossier, juste à temps pour ne pas rater la prescription, qui aura lieu en août 2020.
Mais revenons légèrement en arrière. Que s’est-il passé et qu’est-ce que c’est que cette histoire de viol, d’arrestation, de dénonciation d’asile politique et de leaks, qui viennent contaminer jusqu’au football, maintenant ? Bon, en même temps, le football, ça fait longtemps qu’il n’y a plus que les femmes qui jouent vraiment, les mecs se contentant de pleurer comme des donzelles émotives étendus sur la pelouse et bien sûr, faire bézef d’affaires louches, y’a qu’à voir la FIFA. Mais comme j’aime pas ça, en vrai, m’en fous.
Assange, donc. Il y a un avant et un après Assange, pour tout le monde. D’abord pour tous les pays du monde, tant il n’y en a pas un qui ne soit éclaboussé par ses révélations. Ensuite, l’ampleur du phénomène : une masse d’information jamais vue, dans tous les sens, extrêmement détaillée… Mêlée à des choses que, sur place «tout le monde sait déjà» mais qui ne sont pas dites par un australien sur Internet ! Qu’est-ce qu’ils connaissent, les australiens moyens, même informaticiens, allez, des magouilles du clan Boutef ou des agents de Reuters que l’armée américaine aurait dessoudés ? Vous aurez de la chance s’ils savent même situer l’Algérie sur une carte, oui ! Donc Assange n’est pas quelqu’un d’ordinaire… Et ce n’est probablement pas une seule personne, ni une seule légende qui doit se lire dans son parcours.
Au demeurant, il n’est que porte-parole, a priori co-fondateur de wikileaks… L’autre co-fondateur, Gavin MacFadyen, directeur de Wikileaks, décédé en octobre 2016 d’un cancer du poumon foudroyant, est plus que fortement soupçonné d’avoir appartenu au MI6. Rappelons qu’en juillet, Assange avait plombé la campagne d’Hillary Clinton avec ses mails et la commission d’enquête, et tout le toutim, plus les révélations sur le financement de la fondation Clinton, bref, avait virtuellement fait gagner Trump ! Ce qui fournit un éclairage différent à cette année 2016, année sanglante, dixit Assange lui-même qui pouvait encore (jusqu’en 2018) twitter, puisque la mort du directeur de Wikileaks intervient après celles de John Jones, l’avocat d’Assange en Grande-Bretagne, percuté par un train en avril, de Michael Ratner, son avocat aux Etats-Unis, mort de complications d’un cancer en mai et de quatre personnalités du Comité National Démocrate soupçonnés d’avoir fourni les informations à la base du scandale Hillary et morts en à peine 6 semaines, dont Seth Rich, assassiné de 3 balles dans le dos en juillet et John William Ashe, asphyxié par une barre de musculation dans sa maison en juin.
C’est bien simple, depuis 2010, tous les Ludlum, De Villiers ou Clancy en herbe ont de quoi ou s’inquiéter ou se frotter les mains, c’est selon leur nature, tant entre le contenu des leaks et la légende des leaders, plus le dark net et le crypto-anarchisme, la réalité dépasse toutes les fictions du monde ! Etonnament, ceux qui ont le moins profité de l’aubaine, ce sont les journalistes. Et encore, en agissant groupir, en syndicats internationaux de plusieurs centaines de professionnels et dizaine de médias, sur à peine une portion des révélations, celles mises le plus en avant par wikileaks eux-mêmes, selon un agenda jamais interrogé ou presque
Bref ! Quel est le rapport entre tout ça, le «sexe par surprise» suédois, comprenez, il aurait imposé une relation sexuelle sans préservatif tandis qu’elle voulait bien mais avec, et le refuge diplomatique équadorien fluctant ? Bon, pour l’asile politique, c’est très simple : Lenin Moreno n’est pas Rafael Correo, hélas ! Et il a bien changé la donne d’un pays qu’un économiste de gauche humaniste – l’Amérique Latine et ses merveilles ! avait commencé à sortir de l’ornière. Mais d’une manière générale, les affaires judiciaires d’Assange n’ont rien de la transparence et de l’impartialité de la justice telle qu’on la voudrait. En dehors de la mort des avocats principaux de la défense, de l’abandon pur et simple d’Assange par sa nouvelle avocate assez trouble elle aussi, qui n’a contesté ni ses conditions de détention, ni l’abandon d’un appel plus que justifié pour cette condamnation à 50 semaines fermes, bref, walou, l’affaire de base même est ridicule. En cette ère post-Weinstein, je sais, ça la fout mal de dire que le viol est un prétexte et tout prédateur sexuel devrait être traduit en justice. Mais soyons sérieux 5 minutes ! Même la justice suédoise voulait abandonner l’affaire dès 2013 et l’avait clairement fait en 2017, malgré les pressions anglaises, levant ainsi son mandat d’arrêt et le prétexte pour lequel il a été condamné en mai dernier, à savoir violation de conditionnelle !
Le grand absent de la scène judiciaire dans tout ça, c’est le pays qui en a fait son ennemi public N°1, celui qui a valu 35 ans de prison ferme à Chelsea Manning, même si Obama l’a libéré au bout de sept, celui qui a refoutu Chelsea Manning en tôle pour 2 mois cette année pour refus de témoigner contre Assange ! Allez, je sais que vous l’avez au bout de la langue, les, les… Etats-Unis ! Eux ont un mandat d’arrêt international pour espionnage toujours très actif, merci beaucoup, mais qui n’est le prétexte ni à l’arrestation d’Assange, ni à la parodie de justice qu’on nous sert. Bref, depuis Assange, on ne nous a jamais autant gargarisé avec la transparence, mais alors là, pour de l’opacité, c’est carrément un vantablack à rendre jaloux Anish Kipoor !
N’empêche que c’est depuis que tout dégénère. Plus personne ne croit les infos, qui sont manipulées par tellement de gens (et c’est devenu transparent, ça pour le coup, effectivement) qu’on en est réduit à la stupeur, incapables de réfléchir ou de se poser les questions les plus simples sur les informations les plus étonnantes. Entre spectacle et faux-semblants, la grossièreté nous paraît synonyme d’honnêteté, même quand ce sont les élites des pays qui le sont, qu’il s’agisse d’un Trump, d’un Benkirane ou d’un Boris Johnson, ils ne sortent pas de l’usine, ces gens-là, ils ont toujours su se tenir et font tout à fait exprès de ne pas le faire. Une djellaba, un pied sur la table ou un tweet grossier, ce ne sont pas des faux-pas, mais des actes de communication ! Remarquez, d’autres l’avaient fait avant, les Georges W. Bush, Le Pen et consorts – les populistes, quoi, mais il devient difficile maintenant de distinguer le jeune loup aux dents longues qui fait des erreurs d’évaluation comme une Rolex au lieu d’une Patex Philippe du milliardaire d’origine qui veut faire peuple, car tout le monde est populiste, ou presque.
Je n’ai pas fouillé au-delà de l’écrémage superficiel que mes confrères les médias ont fait, moi non plus. Si je m’y mets, on se revoit dans 10 ans, même jour, même heure, même flux rss, parce qu’il me faudra au moins ça pour faire sens de cette masse, si tant est que je n’en devienne pas folle, tout simplement. Je suis comme vous, spectatrice du monde et si je tente de l’analyser, c’est avec mes pauvres moyens d’humaine. Et ça, c’est une affaire de rouages et de machines : big data, big états, big espionnage dans tous les sens. Et peut-être, derrière, une vraie volonté bisounours d’assainir l’air, allez savoir ? J’ai toujours pensé qu’il fallait un esprit romantique pour devenir espion, raison pour laquelle je n’ai jamais été tentée par le rôle -eh, tu viens déjeuner? Ce genre de dispositions d’esprit confronté à l’enfer des dessous de la real politik a de quoi rendre fou – ou idéaliste, ce qui revient au même, en pratique comme à terme, après assez de torture psychologique et certainement physique.
Il n’empêche que cet homme-là a changé le monde et vous comme moi devons vivre avec, maintenant. C’est très certainement une bonne chose, car l’air avait réellement besoin d’être assaini et c’est pas fini. Le problème, c’est qu’on est en train de gratter le système entier jusqu’à l’os pour essayer d’évacuer l’infection et rien n’y fait. Alors clairement, comme dans certaines situations très délicates, ça va faire mal avant de faire du bien, cette histoire, si tant est que ce soit jamais bon. Et ce n’est pas trois salaires gonflés dans le football qu’on devrait surveiller, leaks ou pas leaks, quand le monde entier semble pris de frénésie d’espionnage.
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